J'éprouve aussi un gros malaise en lisant ce papier… (outre le fait qu'un entrepôt de plusieurs dizaines de milliers de km2 couvrirait plusieurs départements français…
).
Quand j'avais 16 ans et que j'étais au lycée, j'ai commencé mon premier boulot d'été. Deux mois (juillet et août) dans un entrepôt d'une grande chaîne française de magasins de chaussures. On était en 1986. C'était mon premier contact direct avec le monde du travail.
J'avais subi des tests avant embauche pour voir si j'étais apte à décoder rapidement à l'œil des références produits.
J'étais "tireur", c'est-à-dire exactement le même poste que ce journaliste : on a un chariot à tirer, une commande en main et il fallait déambuler dans tout l'entrepôt pour regrouper dans le chariot l'ensemble de la commande.
Chaque commande était minutée (déjà !). Mais le minutage était tellement serré qu'il fallait souvent courir, une fois la commande déposée à l'expédition, pour retourner en chercher une autre à l'autre bout de l'entrepôt !
Tous les soirs (ou matin, vu que ça bossait en 2/8), il y avait fouille aléatoire à la sortie du boulot voire, de temps en temps, fouille systématique (fouille corporelle pas un portique).
Le premier soir, après avoir repris ma mob (un 103 SP kitté 75 qui roulait du feu de Dieu mais on s'en fout
), je suis rentré chez mes parents en pleurs. Vraiment. J'avais les pieds en sang. Vraiment. Et, bien sûr, je ne voulais pas y retourner. Mais le lendemain j'y suis retourné quand même car c'était une tante à moi qui m'avait aidé pour être pris l'été et je ne voulais pas la mettre dans la merde en n'y retournant pas.
Petit à petit, je m'y suit fait, je me suis adapté (rétrospectivement, c'est ce que je trouve le plus grave). J'ai même eu parfois à enchaîner une journée du soir (13-21h) et une journée du matin (5h-13h) au large mépris du temps de repos.
Mais j'ai réussi à monter un p'tit bizness en vendant aux bourges du lycée des chaussettes Burlington (vous savez, celles avec les motifs écossais) que je sortais de l'entrepôt dans la doublure de mon Bombers (impossible à détecter lors de la palpation) : 50 F la paire.
J'y ai même retravaillé l'été suivant !
C'était payé au SMIC -20% car je n'avais pas 18 ans (une belle arnaque ce truc aussi !).
Le truc qui m'emmerde le plus dans ce papier ce n'est pas que le mec découvre le monde du travail (j'ai été 15 ans journaliste, je sais à quel point y'en a un paquet qui sont totalement déconnectés de la réalité), c'est que rien n'a changé depuis mes 16 ans